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Sous le soleil de Satan :
Palme très contestée a Cannes en '87 , Sous le soleil de Satan est une œuvre particulière qui ne plaira pas a tout le monde. Pialat a effectivement choisi des moyens déroutants pour adapter le roman éponyme de Georges Bernanos. Non seulement il a conservé le presque mot-a-mot du texte original mais il a aussi théâtralisé le tout, en particulier le personnage de Mouchette qui en devient plus irritante qu'inquiétante ou que touchante. Cela dit, l’austérité de la mise en scène et l'éclairage absolument magnifique qui tout au long du métrage renvoie constamment au titre servent prodigieusement l’ambiguïté dans laquelle on est immergé tout du long.
Le premier dialogue très fort entre Ménou-Ségrais (formidable Pialat) et l'Abbé Donissan (sans aucun doute l'un des meilleurs rôles de Gérard Depardieu) nous invite dans la promiscuité du diocèse ou les rôles ne sont pas encore distribués. La servilité des uns pour les autres et la vérité sous la nappe des apparences et du statut sont les premiers enjeux avant que la dimension mystique n'emboite le pas et confonde chacun sous l’œil avisé du cinéaste.
Si l'on est pas rebuté par les logorrhées littéraires déclamées tour a tour en ping pong ou en monologue, on saura apprécier les vues de Bernanos sur une galerie de personnages faibles et vaniteux puis au cœur du récit l'opposition qui est faite entre le chemin de croix qui mène a la sainteté et la simple soumission a l’église ou au péché. Le mal et la réalité transformée par les œuvres de Satan forment l’architecture d'un film ou l'on pourra regretter les nombreuses ellipses qui tronçonnent le récit originel sans pourtant alléger le travail de Pialat mais le pari pourtant si ardu d'adapter une telle œuvre m'a semblé réussi tant je suis ressorti du visionnage scotché.
Montand, président a Cannes avait justifié la palme de "la honte" par ces mots :
« La Palme [avait] été donnée à l'unanimité, parce que nous avons considéré que le travail qu'[avait] réussi Pialat [était] un travail qui [mettait] le cinéma sur un autre niveau, à un autre étage. On peut forcément — moi-même, je suis comme ça — être sensible à des films peut-être un peu plus abordables, plus faciles, mais heureusement qu'il y a des Pialat, des Godard, des Resnais, pour porter le cinéma à une autre hauteur. Et je me réjouis que ce film ait émergé à l'unanimité, même si deux ou trois membres du Jury ont regretté que, parfois, certains mots leur échappaient — La langue de Bernanos, c'est déjà difficile pour nous, imaginez pour les étrangers — mais l'unanimité s'est faite de manière très spontanée. »
Je ne suis pas entièrement d'accord avec ça, pour moi le bouquin de Georges Bernanos met la foi a un autre niveau, a un autre étage et Maurice Pialat en l'adaptant au cinéma lui prête surtout une autre audience car le propos en lui même mérite de toute façon l’éloge et le questionnement. Loin d’être un film tiède ou ennuyeux, Sous le Soleil de Satan renvoie surtout le spectateur a ses manques, lui qui bouffera les films comme l'hostie : sans avoir su en prendre la moindre mesure.
Membre du C.A.S (Comité Anti-Steelbook) "I wanted to rub the human face in its own vomit and force it to look in the mirror"
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